Chapitre 5
Un nouveau cocktail de valeurs : liberté privée et ordre public
Étienne Schweisguth
En mai 1968, la révolte de la jeunesse française avait pris l’apparence d’une révolte contre l’ordre établi, dans sa globalité. On en avait gardé l’image d’une révolte contre l’ensemble des normes sociales et il avait paru normal, par la suite, de continuer à se demander dans quelle mesure la jeunesse acceptait ou rejetait les normes sociales dans leur ensemble. Le vocabulaire employé par les observateurs de l’évolution des valeurs depuis cette époque traduisait bien l’idée implicite qu’il existait une attitude générale d’acceptation ou de refus des normes sociales. La notion d’échelle de permissivité a ainsi souvent été utilisée pour opposer ceux qui exigeaient un strict respect des normes sociales à ceux qui estimaient permise une certaine liberté de manoeuvre par rapport aux normes établies. Moi-même, j’ai utilisé le concept de « libéralisme culturel » pour désigner un ensemble d’attitudes très large recouvrant l’hédonisme, la « permissivité » sexuelle, l’antiautoritarisme et les valeurs humanistes. Or, comme on va le voir, l’évolution des Français, et en particulier celle des jeunes, telle que la révèle l’enquête Valeurs, montre qu’aujourd’hui un tel amalgame n’est plus tenable. Pour analyser les attitudes des jeunes à l’égard des normes sociales, nous avons effectué une analyse typologique portant sur les normes concernant plusieurs domaines : le civisme en matière financière, le comportement sexuel, la consommation de drogue, l’euthanasie, l’attitude à l’égard de l’autorité, etc. On en trouvera 99