Marion a fondé les Sourciers, une ferme hydroponique, et prouve la légitimité des filles dans le secteur agricole

31/05/2018 10 minutesPartager sur

Marion fait partie de la communauté #LesIntrépides, ces femmes qui évoluent dans des secteurs qui manquent des talents féminins !

marion et son mari dans leur ferme hyrdoponique les sourciers

Vous avez fondé les Sourciers, une ferme hydroponique. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est une ferme hydroponique ?

C’est une ferme comme toute autre ferme. On fait du maraichage. Et l’hydroponie, c’est la technique de culture qui permet de faire pousser les plantes dans l’eau plutôt que dans la terre avec des systèmes à hauteur d’homme.

Je suis en entreprise individuelle donc je fais tout.

Vous pouvez nous décrire une journée type ou un projet sur lequel vous travaillez actuellement ?

Alors une journée type à la ferme… Je me lève avec le soleil parce qu’on ne peut pas récolter tant qu’il n’y a pas de soleil donc ça va dépendre, très tôt en été et très tard en hiver. Je vais à la ferme récolter.

Il faut que tout soit récolté très rapidement parce que je dois livrer les chefs avant le service de midi. Je reçois des commandes généralement la veille, par texto, par Facebook, par WhatsApp, bref les chefs passent leurs commandes, je note tout, je reviens voir mon tableau et j’arrive à la ferme et hop, je récolte le plus vite possible puis je pars livrer. C’est comme ça cinq jours par semaine.

la ferme hydroponique les sorciers

Une ferme hydroponique plus concrètement, ça fonctionne comment ?

Hydro ça veut dire « l’eau » en grec et ponique c’est « ponos », le travail, donc c’est le travail de l’eau.

« La différence avec une ferme normale est qu’on utilise des systèmes de culture qui sont des tubes en plastique dans lesquels circulent de l’eau et les plantes ont leurs racines qui trempent dans cette eau. »

Donc on met la nutrition des plantes dans l’eau qui va arroser les racines en circuit fermé, c’est-à-dire que l’eau circule en permanence, rien n’est rejeté dans la nature donc ça permet de faire de très grosses économies en eau et en nutriments. C’est une technique de hors-sol.

Il y a plusieurs façons de faire de l’hydroponie, comme pour la terre, il y a des techniques qui ne sont pas du tout écologiques et là c’est une technique qui est vraiment écologique.

Est-ce que vous travaillez en équipe ou seule ?

Je travaille avec mon mari. Sur le papier on a deux entreprises différentes donc moi sur le maraîchage et lui sur la formation, chacun en entreprise individuelle. Dans la réalité, sur le terrain on fait tous les deux le maraîchage et la formation.

Donc si j’ai bien compris vous formez des gens à ce mode de culture ?

Oui exactement. Notre projet à la base était de faire quelque chose qui soit pédagogique parce qu’on aime beaucoup ça.

Comme on trouve que c’est une méthode de culture qui est très intelligente, on pousse un peu les gens qui veulent faire de l’agriculture urbaine ou alors qui ont des terres polluées à utiliser cette technique.

« Il y a beaucoup de porteurs de projets, on en forme à peu près 100 par an, qui viennent sur notre ferme. Il y a des formations entre 2 à 6 jours où ils apprennent toutes les techniques, la théorie et la pratique et après ils sont prêts à monter leurs petites fermes partout en France et même à l’étranger. »

C’est quelque chose que vous avez toujours voulu faire ? Quel a été votre parcours pour arriver dans l’agriculture ?

fruits et légumes issus de la culture hydroponique chez les sorciersNon, c’est une reconversion.

« Quand j’étais petite j’ai pas mal grandi à l’étranger, j’ai habité en Chine, au Canada, en Angleterre, en Argentine et après j’ai fait une école de commerce à Marseille. À ce moment-là, je ne savais pas du tout ce que je voulais faire. »

Je voulais faire quelque chose en rapport avec le management interculturel. A la suite de mon stage de fin d’étude en Argentine, je me suis faite embauchée comme responsable communication à Citroën pendant deux ans. Puis j’ai travaillé pendant deux ans dans leur agence de pub où je faisais de la planification de média online. C’était une autre vie !

J’ai rencontré mon mari dans la même boîte, il y faisait de l’informatique. On avait un projet de couple tous les deux, on avait envie d’avoir une expérience en France. Il ne connaissait pas mon pays et on s’est dit quitte à déménager autant tenter de faire un truc qui nous fait vraiment plaisir, de créer un autre métier.

On est parti sans prendre beaucoup de risques parce qu’on savait qu’on aurait facilement trouvé un job en France, on a mis des sous de côté et on est partis en 2013 tenter l’aventure. De toute façon, même si ça ratait ce n’était jamais vraiment un échec à partir du moment où on avait essayé donc c’était le moment ou jamais. On est arrivé en France et j’ai pris le rôle d’entrepreneur.

« Je pense que monter une boîte ça a toujours été quelque chose qui me faisait plaisir, mais je n’imaginais pas du tout que j’allais monter une boîte dans le maraîchage. »

Vous avez suivi une formation pour travailler dans l’agriculture ?

On s’est formés en Argentine mais comme hobby. C’était une petite passion qu’on avait. Comme on habitait en ville on n’avait pas de terre. Pour faire pousser des plantes sur le balcon, je n’avais pas d’autre choix que de le faire en hydroponie. On s’est formé en autodidacte, on a lu beaucoup de bouquins, on est allé sur plein de sites web, on a fait des Mooc, des cours en ligne…

Qu’est-ce que vous aimez particulièrement dans votre métier ?

La diversité, en numéro un. Ce que j’aime, c’est que justement comme on n’a pas d’employé et pas d’aide, je peux facilement me dire « l’année prochaine on arrête tout et on part sur un autre projet » et ça c’est vraiment un luxe. En 2017, j’étais enceinte et j’ai vraiment pu adapter mon rythme.

tomates ferme hydroponie agriculture urbaine biologique

Selon vous, quelles qualités il faut pour exercer votre métier ?

De la patience. Comme tous les métiers de jardinage. Quand on travaille avec les plantes, il faut être patient. Il faut essayer, ré-essayer, ré-essayer…

Parce que, par exemple, sur une plante quelque chose qui ne va pas marcher ça va prendre un an pour s’en rendre compte et pour faire des changements. L’année suivante peut-être que ça ne marchera toujours pas, il faudra attendre une année de plus pour s’adapter…

Aujourd’hui dans la société on considère que le secteur agricole est un secteur très masculin. Vous en pensez quoi ? 

« Je suis d’accord. Je pense que c’était très masculin et que c’est encore très ancré auprès des grandes institutions. Il y a une sorte de machisme, c’est assez impressionnant. »

Par exemple, quand j’ai des rendez-vous avec la MSA ils me demandent souvent où est mon mari donc je dois leur expliquer que l’entreprise est à mon nom, que c’est moi qui la représente et qu’ils me parleront.

C’est quelque chose qui a été source d’obstacle durant votre parcours pour créer votre ferme hydroponique ?

racines de plantes dans la ferme hydroponique

Je pense qu’on me prenait moins au sérieux parce que j’étais une femme après ça ne m’a pas posé d’obstacle parce que je ne dépends de personne mais par exemple si j’avais eu à demander un emprunt en banque peut-être que ça aurait pesé dans la balance.

« Après j’ai su m’entourer de femmes fortes qui m’ont montré que c’était un métier très compatible avec une vie de famille, ce qui était quelque chose qui m’inquiétait et je savais que j’en étais capable. »

Ça ne m’a pas fait douter disons que c’est plus une frustration de voir une sorte de machisme.

Une des raisons pour lesquelles les jeunes filles hésitent à se lancer en agriculture est le côté pénibilité du travail. Est-ce que vous le ressentez ?

Ça a vraiment évolué, je ne me serais pas lancée dans le maraîchage il y a trente ou quarante ans où on était plié en deux toute la journée à faire des horaires de dingues.

« Maintenant avec la technologie, on est quand même aidé et il n’y a aucun moment où le fait d’être une femme me pèse dans mon travail. »

Au contraire, je me lève plus tôt que mon mari, je fais certaines tâches qui sont plus physiques que lui. Quand il y a des choses lourdes on prend un diable, mes systèmes sont surélevés du coup je n’ai même pas besoin de me baisser, je n’ai pas de désherbage à faire.

À notre époque, il n’y a plus de pénibilité du travail. Après il y a des horaires de dingues mais comme dans beaucoup de métiers, mais c’est un métier-passion donc ce sont des heures que je ne considère pas vraiment comme du travail.

Est-ce que vous voyez une évolution de la place de la femme dans l’agriculture ?

marion au sein de sa ferme hydroponique

J’ai beaucoup voyagé pour voir les modèles de fermes en France et à l’étranger. Souvent, on met les femmes dans toute la partie du travail qui est relation à la plante donc tout ce qui est faire les semis, faire les tailles, les boutures, les récoltes…

Et souvent la maintenance de la ferme et la partie business est confiée à un homme. Après il y a de plus en plus de femmes qui gèrent aussi tout l’aspect entreprise et maintenance, je le fais aussi.

« Au contraire je trouve que la femme a plus sa place dans le milieu agricole que les hommes. D’ailleurs au Maroc, c’est intéressant ils disaient que le secteur agricole était réservé aux femmes. On ne voyait que des femmes dans les champs, c’était assez impressionnant. »

Selon vous qu’est-ce qui pourrait être amélioré pour que les femmes dans le secteur agricole soient plus nombreuses ?

Ce serait intéressant d’avoir des interventions de gens du secteur dans les écoles pour leur montrer la diversité du travail parce qu’il y a pleins de métiers différents et que ce n’est pas un métier qui doit faire peur aux femmes.

« Avec l’agriculture urbaine, c’est devenu un peu tendance de faire pousser ses propres plantes et je pense que ça va pousser beaucoup de jeunes à se lancer. »

Si vous aviez un conseil à donner ou un message à faire passer à une jeune fille qui hésite à se lancer, quel serait-il ?

Je leur dirai de faire un maximum de stages dans des secteurs différents pour qu’elles voient tous les métiers qui existent et d’échanger avec des gens sur le terrain.

C’est vrai que parfois dans les cursus scolaires il y a des possibilités de stage mais souvent ce n’est pas assez et dans ces cas-là je pense que c’est intéressant sur une semaine de vacances de faire du woofing et d’échanger avec un maximum de gens parce qu’il y a vraiment plein de bonnes idées à prendre partout.

Et une fois qu’ils sont installés, de communiquer à fond sur ce qu’ils font parce qu’il y a pleins de gens qui pensent que ce n’est pas intéressant mais c’est très intéressant.

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